Agressions sexuelles au Canada (2022-2024) : Statistiques par province et territoire


Tendances nationales de 2022 à 2024

Les données policières révèlent que le nombre d’agressions sexuelles déclarées au Canada a atteint ces dernières années un niveau historiquement élevé. En 2022, le taux d’agressions sexuelles de niveau 1 (la forme la plus courante, sans blessure grave) a augmenté de 3 % par rapport à 2021 pour atteindre 90 affaires pour 100 000 habitants. Cette hausse s’inscrit dans une tendance générale à la croissance depuis 2014, à l’exception d’une baisse ponctuelle en 2020 (pendant la pandémie). En fait, entre 2017 et 2022, le taux national d’agressions sexuelles signalées à la police a grimpé de 38 %, passant d’environ 66 à 91 incidents pour 100 000 habitants. Selon Statistique Canada, il s’agit du plus haut niveau observé depuis le milieu des années 1990.

En 2023, les agressions sexuelles déclarées sont restées à un niveau comparativement élevé. Les données nationales indiquent une stabilisation du taux autour de 89 à 90 pour 100 000 habitants (soit un niveau quasiment inchangé par rapport à 2022). Cette relative stabilité en 2023 fait suite à deux années de fortes hausses du crime violent (+13 % cumulés en 2021-2022). En l’absence de données officielles complètes pour 2024 (celles-ci seront publiées en 2025), on peut s’attendre à ce que le taux d’agressions sexuelles demeure comparable à celui de 2023, à moins d’un changement notable. Des rapports préliminaires de divers services de police n’indiquent pas de baisse marquée, suggérant une persistance du niveau élevé d’agressions sexuelles déclarées en 2024.

Il est important de souligner que ces chiffres reflètent uniquement les cas signalés aux autorités. L’agression sexuelle est un crime massivement sous-déclaré : selon l’Enquête sociale générale de 2019 sur la sécurité des Canadiens, seulement 6 % des incidents d’agression sexuelle vécus par des victimes de 15 ans et plus ont été portés à l’attention de la police. Ainsi, les statistiques officielles sous-estiment largement l’ampleur réelle du problème. Néanmoins, l’évolution des données policières donne un aperçu des tendances et contribue à orienter les efforts de prévention et de soutien aux survivant·e·s.

Disparités régionales par province et territoire

Les taux d’agressions sexuelles diffèrent significativement selon les régions du Canada. De manière générale, les provinces des Prairies enregistrent les taux les plus élevés, tandis que les provinces les plus peuplées (comme l’Ontario et le Québec) affichent les taux les plus bas parmi les provinces. Par exemple, des données antérieures montraient qu’au début des années 2000 le Saskatchewan et le Manitoba présentaient les taux provinciaux les plus élevés (en 2002, environ 160 et 139 agressions sexuelles pour 100 000 habitants respectivement), alors que l’Ontario et le Québec affichaient les plus faibles (environ 74 et 71 pour 100 000). Cette disparité provinciale s’est maintenue au fil du temps. Les dernières statistiques disponibles indiquent que le Saskatchewan demeure en tête pour le taux d’agressions sexuelles déclarées, suivi du Manitoba et, dans une moindre mesure, de l’Alberta et des provinces de l’Atlantique. À l’opposé, l’Ontario et le Québec continuent de présenter les taux de signalement les plus bas du pays (autour de la soixantaine de cas pour 100 000 habitants ces dernières années, selon les données de Statistique Canada).

Il convient de noter que les territoires du Nord affichent des taux bien plus élevés que toutes les provinces. La violence sexuelle y est un enjeu particulièrement criant. Par exemple, le Nunavut a de tout temps enregistré le taux d’agressions sexuelles le plus élevé au Canada – déjà plus de 1 000 cas pour 100 000 habitants au début des années 2000– suivi par les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon qui présentent eux aussi des taux par habitant extrêmement élevés comparés à la moyenne nationale. Ces écarts s’expliquent par divers facteurs socio-démographiques (p. ex. l’isolement de certaines communautés, la proportion de jeunes, les inégalités socioéconomiques et le legs des violences coloniales envers les Autochtones) et par des efforts accrus de signalement dans ces régions.

Lecture des données et enjeux de prévention

Les statistiques par province et territoire montrent que l’ampleur du problème des agressions sexuelles varie régionalement, ce qui oriente les stratégies d’intervention locales. Il est toutefois crucial de rappeler que, partout au pays, la majorité des agressions sexuelles ne sont pas déclarées aux autorités, souvent en raison de la stigmatisation, de la peur ou du manque de confiance envers le système judiciaire. Les organismes communautaires et les instances gouvernementales œuvrent donc non seulement à prévenir la violence sexuelle, mais aussi à encourager la dénonciation et à améliorer la prise en charge des survivant·e·s, afin que les statistiques reflètent mieux la réalité et que la justice puisse être rendue.

En résumé, la période 2022-2024 se caractérise par un taux d’agressions sexuelles déclarées élevé et en légère progression par rapport aux années précédentes, même si une certaine stabilisation semble s’être profilée récemment. Les différences régionales demeurent marquées, commandant des réponses adaptées selon les contextes locaux. Ces données, bien qu’imparfaites, soulignent l’urgence de poursuivre les efforts de prévention de la violence sexuelle et de soutien aux victimes sur l’ensemble du territoire canadien.


Sources

  • Statistique Canada. (2023, 27 juillet). Statistiques sur les crimes déclarés par la police au Canada, 2022www150.statcan.gc.cawww150.statcan.gc.ca. Le Quotidien.

  • Statistique Canada. (2024, 25 juillet). Statistiques sur les crimes déclarés par la police au Canada, 2023www150.statcan.gc.cawww150.statcan.gc.ca. Le Quotidien.

  • Moreau, G. & Hodgins, S. (2024). Tendances récentes en matière de classement des affaires d’agression sexuelle et d’autres crimes violents déclarés par la police au Canada, 2017 à 2022www150.statcan.gc.ca. Juristat, Statistique Canada.

  • Département de la Justice du Canada. (2006). 3.2 Rates of police-reported sexual assault offencescanada.justice.gc.ca. Bill C-46: Records Applications Post-Mills.

  • Statistique Canada. (2020). Enquête sociale générale sur la victimisation, 2019 – faits saillantswww150.statcan.gc.ca. (indiquant que ~6 % seulement des agressions sexuelles sont signalées à la police).


Rédaction : Rachidata Sidibé | Chargée de communication

Contact : communication@centrelles.com

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