Mois de la prévention des agressions sexuelles : écouter, comprendre et agir
Chaque année, le mois de mai devient un moment crucial pour lever le voile sur un sujet trop souvent réduit au silence : les agressions sexuelles. Ces violences touchent des milliers de personnes au Canada, sans distinction d’âge, de statut ou d’origine. Pourtant, malgré les campagnes, les chiffres ne baissent pas. Pire encore, certaines régions comme le Nord de l’Ontario enregistrent des taux alarmants.
Mais au-delà des statistiques, ce mois est l’occasion de remettre au cœur de la conversation publique une réalité difficile, d’informer sur les ressources disponibles et de réfléchir ensemble à ce qu’on peut faire – individuellement et collectivement – pour mettre fin à ces violences.
Une réalité persistante, malgré les efforts
Les agressions sexuelles représentent aujourd’hui l’un des crimes violents les plus signalés au pays. Depuis quelques années, le Canada enregistre une augmentation inquiétante des signalements. Entre 2017 et 2022, on parle d’une hausse de 38 %. Et selon les données les plus récentes, on atteint un sommet jamais vu depuis les années 90.
Derrière ces chiffres, il y a des vies brisées, des parcours de soins complexes, et souvent, un sentiment d’injustice. Car peu de cas aboutissent à des accusations formelles. Le système judiciaire reste difficilement accessible pour plusieurs victimes, notamment celles vivant dans des régions éloignées ou issues de communautés marginalisées.
Le Nord de l’Ontario : une urgence silencieuse
Dans des villes comme Thunder Bay, la situation est particulièrement préoccupante. En 2023, on y recensait près de 98 victimes pour 100 000 habitants – l’un des taux les plus élevés de toute la province. Le tout dans un contexte où l’accès aux services spécialisés est limité par la distance, la pénurie de personnel formé et les enjeux culturels.
Pour les femmes autochtones, les risques sont encore plus grands. Elles sont non seulement surreprésentées parmi les victimes, mais aussi plus souvent confrontées à l’indifférence ou à l’incompréhension lorsqu’elles cherchent de l’aide.
Un parallèle marquant : la robe rouge et les voix autochtones
Le 5 mai, la Journée nationale de sensibilisation pour les femmes, filles et personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées (connue comme Red Dress Day) est devenue un moment fort dans la lutte contre les violences sexuelles et genrées. Partout au Canada, des robes rouges sont suspendues dans l’espace public pour rappeler les absences, les deuils, et les injustices qui persistent.
À Thunder Bay, le Northwestern Ontario Women’s Centre, en collaboration avec des partenaires autochtones, organise chaque année des marches silencieuses, des expositions artistiques et des cérémonies traditionnelles. Ces actions honorent les vies perdues et rappellent que la lutte contre les violences sexuelles ne peut être menée sans justice pour les communautés autochtones.
Des initiatives comme Honouring Our Stories, un projet communautaire mené dans le Nord, offrent aux femmes autochtones survivantes un espace pour raconter, guérir et transmettre. Ces récits deviennent des outils puissants de sensibilisation et de transformation sociale.
Qui agit, et comment ?
Heureusement, plusieurs organisations travaillent sans relâche pour changer les choses. À Thunder Bay, le Northwestern Ontario Women’s Centre offre du soutien juridique, des ateliers de prévention, et développe des projets créatifs. Le Thunder Bay Sexual Assault and Domestic Violence Treatment Centre, rattaché à l’hôpital régional, est accessible 24 h sur 24. On y trouve des infirmières spécialement formées pour offrir des soins médicaux et psychologiques en contexte d’agression sexuelle. Du côté des universités, Lakehead University met à disposition des ressources confidentielles pour les étudiant·e·s.
Des freins encore trop nombreux
Malgré ces avancées, de nombreux obstacles persistent :
Les services sont inégalement répartis, surtout dans les régions rurales ou isolées.
Il manque du personnel formé, en particulier des infirmières spécialisées en médecine légale (SANE).
Beaucoup d’organismes fonctionnent avec des budgets précaires, ce qui limite leurs capacités à long terme.
Et puis, il y a encore cette peur du jugement, cette honte, ce doute qui freine les dévoilements. Il est urgent de briser ces barrières.
Et nous, on fait quoi ?
Ce mois de sensibilisation, c’est aussi l’occasion de se demander : que puis-je faire à mon niveau ?
Voici quelques pistes simples, mais puissantes :
S’informer : lire, partager des ressources, parler autour de soi.
Soutenir les centres locaux : faire un don, devenir bénévole, relayer leurs actions.
Exiger du changement : interpeller les élu·e·s, demander un financement stable pour les centres de traitement.
Créer une culture du consentement : que ce soit à la maison, au travail ou dans nos relations.
Croire et écouter : parfois, la plus grande force est de simplement être là pour quelqu’un·e.
Des ressources à connaître
👉 En cas d’urgence, présentez-vous à l’urgence la plus proche et demandez à voir l’infirmière SANE (Sexual Assault Nurse Examiner).
👉 Ligne d’écoute 24/7 : Assaulted Women’s Helpline au 1-866-863-0511.
👉 Services pour femmes autochtones : Talk4Healing au 1-855-554-HEAL.
👉 Soutien par texto : envoyez « TALK » au 686868.
👉 Pour les hommes survivants : visitez 1in6.org.
Sources
Agence de la santé publique du Canada. (2022). Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe. Gouvernement du Canada. https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/violence-fondee-sexe/plan-action-national.html
Assaulted Women’s Helpline. (s.d.). Get Help Now. https://www.awhl.org/get-help
Centre de traitement des agressions sexuelles et de la violence conjugale de Thunder Bay. (s.d.). Services offerts. https://tbrhsc.net/programs-services/sadv-treatment-centre/Lakehead University. (s.d.). Sexual Violence Support. https://www.lakeheadu.ca/students/student-life/thunder-bay/sexual-violence
Northwestern Ontario Women’s Centre. (s.d.). Programs and Services. https://nwowc.org
Statistique Canada. (2023, 31 juillet). Crimes déclarés par la police au Canada, 2022. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/230731/dq230731a-fra.htmStatistique Canada. (2022). Tendances des crimes sexuels au Canada, 2017 à 2021. https://www150.statcan.gc.ca/n1/fr/catalogue/85-002-X202200100004
Talk4Healing. (s.d.). Support for Indigenous Women. https://www.talk4healing.com/
1in6. (s.d.). Help for Men Who Have Had Unwanted or Abusive Sexual Experiences. https://1in6.org/
Rédaction : Rachidata Sidibé | Chargée de communication
Contact : communication@centrelles.com